High-tech

Peut-on réellement concilier monde ouvert et scénario ?

Dans n’importe quel jeu à monde ouvert, le chemin contraint par le scénario principal va bien souvent à l’encontre de la soif de liberté du joueur. Les concepteurs cherchent donc à l’impliquer davantage ou à lui donner les moyens d’écrire son propre destin.

Le concept de monde ouvert

Rétrospectivement, le concept de monde ouvert dans les jeux vidéo s’est considérablement épanoui au cours des années 2010. A tel point que le monde ouvert est presque devenu une fin en soi – et non plus un moyen parmi d’autres. L’intrigue se disperse aux quatre coins de la carte, elle en vient même à devenir un objectif vague. Elle ne fournit plus l’intensité qui est le sel de la vie du joueur. Mais cela représente alors un défi pour les scénaristes : comment, dans un monde ouvert, raconter une histoire qui tient la route et attire l’attention ?

Il faut bien comprendre que l’intention n’est pas de juger de la qualité intrinsèque du récit. Il s’agit plutôt de savoir s’il existe des cordes pour soutenir la cohérence du scénario et la crédibilité des situations, afin que le joueur y consacre un (bon) temps.

Des mondes qui s’ouvrent progressivement

Parce que de nombreux joueurs veulent à la fois mettre en pratique la liberté promise : à pied, à cheval ou en voiture, ils veulent explorer cet univers et découvrir ses paysages et ses habitants. Ce faisant, ils peuvent passer à côté du récit imaginé par les scénaristes. Avant la sortie de Death Stranding, Hideo Kojima a reconnu la difficulté de concilier la liberté qu’il voulait offrir au joueur avec l’incitation à le diriger vers le mythe qu’il avait écrit.

Face à ce dilemme, l’auteur a décidé de restreindre cette liberté. Au début du jeu, Sam Porter, l’incarnation du joueur ne peut jouer que sur la côte est des États-Unis. La région centrale du pays n’est accessible qu’à partir du chapitre 3, où Sam Porter sera libre de livrer des pizzas au lieu de suivre la trace de la mystérieuse Amelia.

Ce ne sont pas des mondes ouverts dès le départ, mais des mondes qui s’ouvrent progressivement. Les premiers domaines se doivent donc d’être assez bien balisés. “Ces séquences d’introduction, qui limitent la liberté du joueur, enseignent les principes du jeu et injectent du matériel de scénarisation, car le joueur est à la fois captif et attentif”, explique Olivier Henriot, scénariste chez Ubisoft Entertainment.

Des personnages marquants

L’essentiel ici est de multiplier les références à l’intrigue principale. De faire en sorte que le joueur y revienne régulièrement – parfois de façon contrainte. Cela lui permet de soutenir les grandes lignes de l’intrigue en tête pour l’envoyer sur la bonne voie, sans le frustrer dans son envie d’escapades

Le rôle des personnages devient alors central dans l’histoire. Ces personnages doivent être de véritables produits de l’environnement dans lequel ils évoluent. Ils croient en leur propre vie et en leurs propres objectifs, qui peuvent être alignés ou en conflit avec ceux du joueur. Tout ce qui génère des conflits, qu’ils soient physiques ou intellectuels, est un pain béni pour les scénaristes.

Ce champ de possibilités devrait encore s’élargir, notamment grâce à la puissance accrue des ordinateurs. Plus de mémoire, en particulier, signifie de plus en plus de cartes à explorer, de plus en plus de PNJ, de plus en plus de quêtes… avec le risque que le joueur ne sache pas par où commencer